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La semaine du droit de la responsabilité

Civil - Responsabilité
16/11/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la responsabilité.
Responsabilité délictuelle – tiers au contrat – dommage
« Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 décembre 2017), par un contrat du 28 juillet 1999, la société SHB France a vendu à la société marocaine Charaf Corporation (la société Charaf) une cargaison d'engrais assurée auprès de la Compagnie africaine d'assurances, aux droits de laquelle est venue la société Axa assurances Maroc (la société Axa). En vue de son transport du port de Saint-Petersbourg (Russie) à celui de Jorf Lasfar (Maroc), la société SHB France a, selon une charte-partie du 19 août 1999, affrété au voyage le navire Junior M dont la société égyptienne Mahoney Shipping & Marine Services (la société Mahoney) est l'armateur. Ayant rencontré des conditions de navigation difficiles au cours du transport, le navire, dont l'une des cales avait pris l'eau, s'est réfugié le 5 octobre 1999 dans les ports de Saint-Malo puis de Brest, où il a été retenu par l'autorité maritime en raison de déficiences graves de navigabilité avant d'être déclaré abandonné par la société Mahoney, le 27 novembre 1999. La cargaison, chargée sur le navire le 20 septembre 1999, ayant été cédée par adjudication, dans le cadre d'une vente de sauvetage organisée à l'initiative des sociétés Charaf et Axa, ces dernières ont assigné en paiement de dommages-intérêts la société Mahoney et la société britannique Lloyd's Register of Shipping (la société Lloyd's), qui avait procédé à la classification du navire.
 
Vu l'article 1382, devenu 1240, du Code civil :
Il résulte de ce texte que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Pour déclarer la société Lloyd's responsable des dommages causés à la marchandise, l'arrêt, après avoir constaté que ceux-ci étaient imputables à l'inondation d'une cale en raison de l'impossibilité d'assèchement des ballasts et de défauts d'étanchéité affectant le bordé de fond et les panneaux de cale, retient que le navire avait subi une inspection spéciale quinquennale entre les mois de février et juin 1998, puis sept visites occasionnelles entre les mois d'octobre 1998 et août 1999, qu'en juin 1998, la société de classification, qui avait remarqué la médiocrité du revêtement interne des ballasts rendant prévisible leur dégradation à brève échéance, n'avait prescrit une visite annuelle que sur l'un d'entre eux, l'inspection annuelle de l'ensemble de ces éléments n'ayant été ordonnée qu'en février 1999, ce qui n'avait pas permis de la réaliser avant l'appareillage du navire en septembre 1999, et qu'elle aurait dû être prescrite dès le mois de juin 1998, conformément aux règles de classification applicables.
En se déterminant ainsi, sans préciser la règle, à laquelle elle se référait, ni son contenu, notamment quant aux critères relatifs à l'état du revêtement des ballasts entraînant l'obligation, pour la société de classification, d'ordonner une inspection annuelle de ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ». 
Cass. com., 12 nov. 2020, n°18-23.479, P+B *


Préjudice moral – réparation 
« A la suite d’un accident de la circulation survenu le 22 mai 2016, Mme A... X... a été déclarée coupable d’homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l’emprise d’un état alcoolique et de conduite d’un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances, au préjudice de C... Y....
Mme D... Z..., compagne de C... Y..., s’est constituée partie civile en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils B... Y..., né le [...] 2016. La société GMF, assureur responsabilité civile de Mme X..., est intervenue à l’instance. L’affaire a été renvoyée sur les intérêts civils.
Statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a condamné Mme X... à payer la somme de 10 000 euros à Mme Z... en qualité de représentante légale de B... Y..., au titre du préjudice moral de celui-ci. La GMF a relevé appel de cette décision.
 
Pour confirmer le jugement, l’arrêt attaqué, après avoir énoncé que, dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu, relève que l’enfant B... est né le [...] 2016 de l’union de C... Y... et de D... Z..., lesquels vivaient en concubinage depuis mars 2013. Ils en déduisent que, contrairement à ce que postule le moyen, l’enfant était conçu au jour du décès de son père, intervenu un mois et sept jours avant sa naissance.
Les juges retiennent que l’absence de C... Y... auprès de son fils B... sera toujours ressentie douloureusement par l’enfant qui devra se contenter des souvenirs de sa mère et de ceux de ses proches pour connaître son père et construire son identité, et que B... souffrira de l’absence définitive de son père qu’il ne connaîtra jamais, toute sa vie.
Ils en déduisent que le préjudice moral de l’enfant est caractérisé ainsi qu’un lien de causalité entre le décès accidentel et ce préjudice.
En statuant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
La deuxième chambre civile statue dans le même sens, reconnaissant le droit de l’enfant, dès sa naissance, à demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu (2e Civ., 14 décembre 2017, n° 16-26.687, Bull. 235).
Dès lors, le moyen doit être écarté ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 19-87.787, P+B+I *

 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 16 décembre 2020
 
Source : Actualités du droit