Retour aux articles

La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
10/05/2021
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté.
Redressement judiciaire – observation – commissaire à l’exécution du plan
« Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 12 novembre 2019), la société JMH, qui reprochait à MM. L et W d’avoir commis un dol lors de la cession des parts sociales de la société DMB concept qu’ils lui avaient consentie, les a assignés le 26 décembre 2014 en paiement de dommages-intérêts.
Avant que le tribunal ne statue sur sa demande, la société JMH a été mise en redressement judiciaire le 4 septembre 2015, la société EMJ étant désignée mandataire judiciaire. Ce mandataire a été assigné par la société JMH en intervention forcée et déclaration de jugement commun le 16 février 2016.
Un plan de redressement a été arrêté le 2 septembre 2016, la société EMJ devenant commissaire à l’exécution du plan.
 
Vu l’article L. 626-25, alinéa 3, du Code de commerce :
Il résulte de ce texte que le commissaire à l’exécution du plan n’a qualité pour poursuivre ni une action exercée par le débiteur avant l’ouverture de sa procédure collective ni une action exercée pendant la période d’observation, à laquelle le mandataire judiciaire n’avait pas à être appelé.
Pour déclarer irrecevable l’action de la société JMH, après avoir énoncé que l’article L. 622-20 du Code de commerce, auquel renvoie l’article L. 631-14 en cas de redressement judiciaire, prévoit que le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, les sommes recouvrées à l’issue des actions introduites par lui entrant en effet dans le patrimoine du débiteur et devant être affectées à l’apurement du passif en cas de continuation de l’entreprise, l’arrêt retient que l’action introduite par la société JMH à une époque où elle n’avait pas encore été placée en redressement judiciaire, en ce qu’elle tend à l’allocation de dommages-intérêts, est incontestablement de celles qui concourent désormais, du fait de son placement en redressement, à l’intérêt collectif de ses créanciers, lesquels pourraient en effet être désintéressés par le produit des condamnations prononcées en faveur de la société. Il en déduit qu’après l’arrêté du plan, il appartient au commissaire à son exécution de s’approprier l’action lorsque le mandataire judiciaire, qui devait reprendre l’action engagée par le débiteur, ne l’a pas fait. Il ajoute que l’assignation en intervention forcée du mandataire judiciaire ne suffit pas à régulariser la procédure.
En statuant ainsi, alors qu’en l’absence de toute prétention de la part du mandataire judiciaire pendant la période d’observation, les conditions procédurales de la poursuite de l’action par le commissaire à l’exécution du plan n’étaient pas réunies, la cour d’appel a violé le texte susvisé  ».
Cass. com., 5 mai 2021, n° 20-13.227, P *
 

Liquidation judiciaire – caution
« Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 11 avril 2019), par des actes sous seing privé du 3 septembre 2012 et 29 mai 2013, la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à la société ICT (la société) des prêts garantis par les cautionnements de MM. M, G et D.

La société ayant été mise en redressement judiciaire le 3 avril 2015, converti en liquidation judiciaire le 15 juillet 2015, la banque a assigné les cautions en paiement.
 
Le juge du fond, qui statue dans l’instance en paiement opposant le créancier à la caution du débiteur principal à l’égard duquel a été ouverte une procédure collective, ne fait pas application de l’article L. 624-2 du Code de commerce. Il en résulte que la décision par laquelle le juge du cautionnement retient que la déclaration de la créance est irrégulière ne constitue pas une décision de rejet de cette créance, entraînant, dès lors, l’extinction de celle-ci.
Ayant relevé qu’il n’était pas prétendu que la créance déclarée par la banque eut fait l’objet d’une admission au passif de la société, la cour d’appel, qui s’est prononcée elle-même, à tort, sur la régularité de la déclaration de créance, l’a jugée irrégulière pour absence de justification de la délégation de pouvoir du préposé déclarant. Cependant, s’il n’existait pas de décision du juge-commissaire admettant la créance, il n’existait pas davantage de décision de ce juge la rejetant pour irrégularité, dont la caution eût pu se prévaloir. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l’article 620, alinéa 1er, du Code de procédure civile, la décision, qui condamne la caution, se trouve légalement justifiée.

Le moyen ne peut donc être accueilli ».
Cass. com., 5 mai 2021, n° 19-17.736, P *               
 
 
Liquidation judiciaire – insuffisance d’actif
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2019), la société Mona Lisa Holding était la société mère d’un groupe dont les activités étaient réparties entre un pôle promotion et un pôle exploitation.
Le 2 mars 2009, les sociétés appartenant au pôle exploitation, parmi lesquelles les sociétés Mona Lisa hôtels et résidences (la société ML hôtels et résidences), Sol e Mar et Aurelia Maussane, ont été mises en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 28 janvier 2010, la société BTSG2 étant désignée liquidateur.
Le 28 janvier 2013, le liquidateur a assigné, notamment, MM. H et O, en leur qualité de dirigeants de droit, en responsabilité pour insuffisance d’actif.
 
Contrairement à ce que postule le moyen, il résulte des articles L. 225-53 et L. 225-56, II, du Code de commerce que le directeur général délégué d’une société anonyme, qui est chargé d’assister le directeur général et dispose de pouvoirs dont l’étendue est déterminé par le conseil d’administration, a la qualité de dirigeant de droit au sens de l’article L. 651-2 du même Code, de sorte qu’il engage sa responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués.
Le moyen n’est donc pas fondé.
 
M. H ayant lui-même reconnu, dans ses conclusions devant la cour d’appel, qu’il avait été désigné en qualité de directeur général délégué de la société ML hôtels et résidences, il n’est pas recevable à présenter, devant la Cour de cassation, un moyen contraire avec cette position, en qu’il sous-entend que la preuve de sa qualité de dirigeant de cette société n’était pas rapportée.
Le moyen est donc irrecevable.
 
Vu l’article 455 du Code de procédure civile :
Il résulte de ce texte que les juges du fond, qui disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation quant à la valeur et la portée des éléments qui leur sont soumis et qui ne sont pas tenus de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’ils décident d’écarter, doivent procéder à une analyse, même sommaire, des pièces sur lesquelles ils fondent leur décision.
Pour condamner M. H à supporter l’insuffisance d’actif des sociétés Sol e Mar et Aurelia Maussane, l’arrêt retient qu’il résulte des pièces versées aux débats que M. H était cogérant, avec M. O, de la société Sol e Mar à compter de sa constitution, intervenue le « quatre 2006 », jusqu’au jour de la liquidation judiciaire, et de la société Aurelia Maussane à compter de sa constitution, le 20 septembre 2006, jusqu’au jour du prononcé de la liquidation judiciaire.
En statuant ainsi, par voie de simple affirmation, sans analyser, même sommairement, les pièces communiquées par le liquidateur à l’appui de ses assertions quant à la qualité de cogérant de M. H au sein des sociétés Sol e Mar et Aurelia Maussane, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
 
Vu l’article L. 651-2 du Code de commerce :
La condamnation d’un dirigeant sur le fondement du texte susvisé est subordonnée à l’existence d’une insuffisance d’actif certaine, laquelle détermine le montant maximal de la condamnation susceptible d’être prononcée.
Pour condamner M. H à payer au liquidateur de la société Aurelia Maussane la somme de 100 000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif, l’arrêt se borne à relever l’existence de fautes de gestion et la qualité de dirigeant de M. H au sein de cette société.
En statuant ainsi, sans préciser, au jour où elle statuait, le montant de l’insuffisance d’actif constatée dans la procédure collective de la société Aurelia Maussane, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Cass. com., 5 mai 2021, n° 19-23.575, P *               
 

Liquidation judiciaire – clôture – recours 
«Selon l’arrêt attaqué (Angers, 28 janvier 2020), la société Caisse d’épargne de Picardie (la banque) a consenti des prêts à la SCI California, pour lesquels se sont rendus cautions M et Mme R, ainsi que la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC). Les 14 décembre 2010 et 17 janvier 2012, la liquidation judiciaire qui avait été prononcée à l’égard de la société Double GT Int le 26 octobre 2010 a été étendue à M. R puis à la SCI California.
Après l’admission au passif de la liquidation des créances de la banque, la société CEGC a réglé à cette dernière la totalité des sommes garanties.
Après la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire étendue, la société CEGC a déposé une requête auprès du président du tribunal de la procédure pour obtenir un titre exécutoire contre M. R, en application de l’article L. 643-11, II, du Code de commerce.
 
L’article L. 643-11, II, du Code de commerce, qui autorise les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, s’ils ont payé à la place de celui-ci, ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d’exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l’article 2310 du Code civil, à moins que le patrimoine de celui-ci soit confondu avec celui du débiteur principal, ce qui n’est pas le cas.
Le moyen qui postule le contraire n’est donc pas fondé ».
Cass. com., 5 mai 2021, n° 20-14.672, P *         
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 10 juin 2021
 
 
Source : Actualités du droit